Charity Ngoma parle à propos de son travail en tant que coordonnatrice de secteur chez PROFIT Zambia. Admettre et aborder les échecs ont permis à son projet de répondre aux besoins des producteurs et d’améliorer les services vétérinaires en Zambie.
Voyez la vidéo de Charity Ngoma (anglais seulement).
La transcription suit.
Bonsoir. Je m’appelle Charity Ngoma. Je suis de Lusaka, en Zambie.
Je travaille sur un projet appelé PROFIT. PROFIT est un programme financé par USAID qui a débuté en 2004, mais qui en réalité n’a vraiment commencé à effectuer des interventions qu’en 2005.
Ceux qui viennent de la Zambie pourront le confirmer, il y a eu beaucoup de publicité à propos de PROFIT et ce qu’il a fait pour améliorer le secteur privé. Il est perçu comme étant très réussi.
Mais je désire vous amener ailleurs ce soir : Comment sommes-nous arrivés où nous sommes? Ça n’a pas été toujours rose. Je pense que les gens lisent nos rapports et viennent nous voir en disant « Oh, vous faites vraiment un excellent travail. » Mais ça n’a pas été si excellent.
En 2005, quand nous avons commencé – je veux dire après avoir fait l’entrevue et obtenu le poste, le forfait était correct, ils l’ont envoyé pour obtenir une subvention, nous étions jeunes, tout juste sortis de l’université, croyant que nous allions changer l’industrie tout entière – nous voulions changer la Zambie.
Nous avons commencé; nous sommes partis avec nos gros livres et avons parlé à des producteurs à propos de ce que nous prévoyions faire. C’était bien parce que nous avions beaucoup d’énergie. Nous avions beaucoup d’incitatifs, une bonne paie, des véhicules et tout. Nous étions prêts à tout pour faire un bon travail. Mais ça ne s’est pas produit comme ça.
En 2005, en tant que coordonnatrice de secteur, j’étais censée aider les vétérinaires et les producteurs à développer une intervention qui aiderait à faire la promotion de services vétérinaires. Ça a bien fonctionné. Nous avons parlé aux vétérinaires. Ils ont accepté notre idée. Nous avons parlé aux producteurs. Ils nous ont dit : « Super, nous pourrons finalement sauver nos animaux. » Et nous avons dit aux vétérinaires : « Vous pouvez vendre ce forfait et il vous rapportera beaucoup d’argent. »
Mais ce forfait incluait une condition : les producteurs devaient payer le service vétérinaire bien à l’avance, une année à l’avance. Ils paient pour les services douze mois à l’avance et tout ce que le vétérinaire a à faire est d’aller chez eux et d’effectuer les services.
La première année, le premier mois, les producteurs se sont inscrits. Les producteurs ont payé, certains pour six mois; ils ne nous faisaient pas assez confiance pour payer pour un an, mais ils ont payé pour six mois. Certains ont payé pour un an. Nos statistiques d’inscriptions étaient bonnes. Mais l’année suivante, en 2006, tous ceux qui avaient payé ne voulaient pas payer de nouveau. Il n’y avait donc que quelques personnes qui voulaient acheter le service.
Mais avons-nous arrêté? Non.
Nous avons continué à dire : « C’est la meilleure solution pour vous. Vous devez acheter ce service. Vous devez garder vos animaux en vie. Vous le faites de la mauvaise façon. C’est comme ça que vous devriez le faire. » Six mois plus tard, encore une fois nous n’avions que quelques producteurs intéressés; la plupart des producteurs avaient abandonné le forfait.
Et nous de se demander : Comment puis-je rentrer et dire « Ça ne fonctionne pas. »?
Comment puis-je dire à mon superviseur ou bien écrire dans mon rapport trimestriel à USAID qu’« Oh, nous n’obtenons pas les chiffres voulus, les producteurs n’achètent pas nos interventions. »?
C’était difficile. Nous ne voulions pas le faire. Nous avons donc continué à pousser le programme. Ça voulait dire – personnellement, pour moi – ça voulait dire que je n’en faisais pas assez. Tu ne vas pas assez sur le terrain. Tu ne parles pas assez aux producteurs. Tu n’as pas assez de réunions.
Je mettais aussi de la pression sur les employés de terrains puisque j’en supervisais plusieurs. Je leur mettais de la pression : « Vous ne sortez pas suffisamment. Vous ne vendez pas ce truc. Vous ne parlez pas aux fournisseurs de service. » Encore deux ans à pousser un service que les producteurs ne voulaient pas acheter.
Mais nous avions une bonne organisation. Ils continuaient à nous dire : « Quand vous irez sur le terrain, revenez-nous et dites-nous ce qui ne fonctionne pas pour qu’on puisse y travailler. »
Mais puisqu’admettre que ça ne fonctionne pas implique que vous êtes un échec, que vous n’avez pas fait un bon travail, personne ne voulait le faire. Nous y allons donc et en faisons encore la promotion, revenons, en faisons encore la promotion, et revenons. Jusqu’à ce que nous ayons finalement de vrais problèmes avec les superviseurs : « Pourquoi n’atteignons-nous pas nos chiffres cibles? Ça fait deux ans que vous vous y employez et malgré cela, seulement cinq vétérinaires paient pour les services. Les vétérinaires qui ont payé l’an passé ne veulent plus payer. Pourquoi cela se produit-il? »
Mais nous en sommes venus au problème, et ça doit être très bien fait : Vous devez avoir d’excellentes personnes parce que c’est difficile de leur dire que ça ne fonctionne pas, car ils signent votre chèque de paie. Vous pensez, « Si je dis que ça ne fonctionne pas et que mon contrat doit être renouvelé, conserverai-je mon poste? » Vous vous trouvez donc dans le dilemme de leur dire que ça ne fonctionne pas, ou de prétendre que ça fonctionne et que ça fonctionnera si nous poussons plus.
Mais avec cette leçon, avec ce problème du superviseur, nous avons atteint un stade où nous avons dit « Ça ne fonctionne pas. Nous avons échoué, tout le monde. Les producteurs ne l’achètent tout simplement pas. Ça ne fonctionne pas pour les fournisseurs de service. Ça ne fonctionne pas pour les vétérinaires. »
Et c’est seulement lorsque nous avons atteint ce stade où nous admettions que ça ne fonctionnait pas que nous avons commencé à apprendre. Parce que tout ce temps, nous étions fermés à l’apprentissage à propos de ce qui ne fonctionnait pas, car nous pensions que « c’était la meilleure chose. Sans aucun doute. Personne n’a une autre solution. »
Seulement quand nous sommes nous assis et avons dit « Ça ne fonctionne pas. Jetons-y un oeil à nouveau. Pourquoi les producteurs ne paient-ils pas pour ce service? Pourquoi un vétérinaire ne voit-il pas cela comme une entreprise? Pourquoi est-ce si difficile que le producteur vienne payer pour le service sans que nous devions lui forcer la main? » C’est à ce moment que nous avons commencé à apprendre.
Ce soir, je veux vous le dire : l’échec est douloureux à admettre. Et plusieurs des gens du secteur du développement poussent une intervention seulement parce qu’ils cherchent à conserver certains chiffres et ils ne veulent pas l’admettre dans un rapport sur la table. Mais parfois, même s’ils savent que ça ne fonctionne pas, c’est quelque chose de très difficile à admettre.
Quand nous nous sommes assis et y avons jeté un oeil à nouveau, et nous sommes posé la question « Pourquoi est-ce que ça ne fonctionne pas? », nous avons alors commencé à voir d’autres façons que cette intervention pourrait être amenée aux producteurs qui la rendraient plus attrayante.
La première chose à laquelle nous devions nous attarder est de comprendre pourquoi ils ne voulaient pas payer pour le service. Nous avions oublié que ces communautés n’étaient pas menées de façon traditionnelle; elles étaient centrées sur la confiance mutuelle. Ils pensaient donc : « Si je paie pour un vétérinaire pour une année, viendra-t-il vacciner mon bétail? Mon argent disparaîtra et j’y perdrai au change. »
Ils ne payaient pas parce qu’ils n’avaient pas la confiance de payer à l’avance. Et même moi, je ne le ferais pas. Je pense que nous demandions trop des producteurs, qui n’avaient jamais rencontré le vétérinaire; de le payer pour un an – le vétérinaire qui est à plus de 400 km – et de le payer pour un an pour qu’il vienne donner des services.
Lorsque nous avons admis que ce n’était pas très bon, nous l’avons réévalué et l’avons conçu à nouveau. Lorsque nous avons regardé pourquoi ça ne fonctionnait pas, nous avons séparé le forfait en services individuels que les producteurs pouvaient acheter s’ils voulaient le service. Le producteur peut donc acheter le service dont il a besoin à ce moment précis.
Nous avons vu l’impact de ce changement : les producteurs ont commencé à acheter le service et nous parlons maintenant de milliers de dollars en ventes pour les firmes de vétérinaires ou les fournisseurs de services vétérinaires. Ça ne serait pas produit il y a trois ans.
Ce que je voudrais dire ce soir, c’est : plusieurs des organismes centrés sur les donateurs leur sont redevables, bien sûr. L’argent vient de quelque part. Nous sommes évalués sur la base de nos chiffres : « Qu’avez-vous fait des 17 millions de dollars que vous avez reçus? »
Mais encore, c’est une leçon pour les gens qui mettent en œuvre des projets. Ils doivent bâtir une culture de l’apprentissage au sein de leur organisation. Une culture qui permet à ses employés d’admettre que « Non, ça ne fonctionne pas. »
Nous avons besoin d’un environnement favorable. Notre superviseur – il venait d’ailleurs –, mais il a créé un environnement favorable pour nous. Il a dit : « Tout le monde, si ça ne fonctionne pas, revenez-nous et dites-nous pourquoi ça ne fonctionne pas. » Nous ne voulions tout simplement pas le faire parce que nous pensions « Oh, je vais perdre mon emploi. » Mais il y avait un incitatif pour que nous revenions et disions : « Ça ne fonctionne pas. »
Et c’est la leçon qu’une organisation de développement doit apprendre. Ils doivent créer cet environnement. Ils doivent dire à leurs employés que c’est correct d’échouer. C’est correct de dire « Ce truc n’est pas quelque chose qui fonctionnera pour cette communauté » pour que ces employés puissent revenir et leur donner l’heure juste de sorte que cet élément de l’intervention puisse être modifié.
Et maintenant – dans cette même période, de 2005 à 2010, nous pouvons sans risque dire que « Les producteurs ont pu acheter les services vétérinaires des vétérinaires sans que quiconque d’entre nous ait besoin d’y aller pour les pousser, parce que ça fonctionne pour eux maintenant, et les vétérinaires sont en mesure de faire des affaires avec les producteurs sans sentir qu’ils se font pousser pour qu’ils poussent eux-mêmes le service aux producteurs. »
En fin de compte, je veux dire que l’échec n’est pas une finalité. Le pire – pour vous, en tant qu’organisation qui fait la mise en œuvre – est d’échouer et de ne rien faire.
[Au lieu de cela] Vous échouez et vous vous demandez pourquoi. Après avoir répondu à la question « pourquoi? » — pourquoi est-ce que ça ne fonctionne pas? – et étudié les autres causes et les façons qui pourraient fonctionner, levez-vous et faites-le parce que si vous échouez et dites « Ça n’a pas fonctionné donc je ne vais rien essayer d’autre, » ça n’aidera personne. C’est la leçon que je veux faire connaître à d’autres.
Peut-être certaines personnes ne sont pas allées en Zambie ou en Afrique. Ça a l’air très simple, mais si vous y travaillez, vous savez que j’ai besoin de cet emploi. C’est un environnement où il est très dur de travailler et de dire « Je ne fais pas un bon travail. »
Merci.
Ka-Hay Law (Ingénieurs sans frontières Canada):
Désolé, j’ai eu la chance de travailler avec Charity pendant trois ans et demi en Zambie et sa voix doit être entendue davantage. Sa voix doit être entendue davantage, et davantage de ses voix et de celles de ses pairs doivent être entendues davantage. Mais quelque chose l’en empêche et nous nous devons de faire quelque chose.