Échec
Être un bénévole pour Peace Corps est une occasion unique puisque nous vivons dans les villages ruraux que la plupart des ONG, des agences gouvernementales, etc. visitent pour un projet et quittent ensuite. Mon histoire préférée est celle d’une organisation qui a bâti un système de purification d’eau sur une terre sacrée. Ils ne voulaient parler qu’aux « joueurs clés » du village, qui étaient prêts à dire n’importe quoi pour profiter du « statut préférentiel » qui leur était accordé par l’organisation. Personne n’a utilisé le système.
Mon histoire personnelle débute avec un groupe de quatre femmes. Elles savaient que j’étais là pour réaliser des projets; nous avions donc des discussions régulières à propos de ce que nous pourrions accomplir ensemble. En tant que bénévole pour Peace Corps (BPC), j’étais très méfiant de quiconque voulait travailler avec moi, car souvent ils n’étaient qu’à la recherche de charité ou de trucs gratuits. Puis, un jour, les femmes et moi avons eu une conversation à propos de l’idée de faire du pain. Le seul pain disponible dans mon village arrivait par motocyclette, d’une plus grosse ville située à environ 25 km. Le pain était terrible et goûtait les vapeurs d’essence, mais les gens en achetaient quand même puisque c’était le seul pain disponible. Les femmes m’ont dit, « Nous savons comment faire du pain. Nous pourrions en faire et le vendre dans notre village. »
Je croyais que c’était une idée géniale qui avait un fort potentiel de marché. Pour évaluer leur intérêt réel et puisque j’avais accès à très peu de financement, j’ai demandé aux femmes d’amasser des fonds elles-mêmes lors de l’une des réunions hebdomadaires obligatoires qui avaient lieu chez moi. Elles étaient d’accord. Au même moment, je leur ai demandé d’effectuer une étude de marché. J’ai fait de même et nous avons découvert que les gens voulaient vraiment du pain, plus précisément un pain sucré plutôt que salé, et qu’ils voulaient le plus petit format puisque ça serait le moins cher.
Après l’étude de marché, deux autres BPC et moi-même leur avons enseigné un système de comptabilité pour analphabètes. Nous avons écrit des règlements administratifs, établi des pratiques pour les rapports et même conçu un horaire de travail. Tout cela s’est fait avec la participation des femmes. Je ne posais que des questions du type « Je crois que (A) pourrait être une bonne idée parce que ___________. Qu’en pensez-vous? » Une fois que cela a été fait, nous avons commencé à bâtir le four d’argile. J’ai été en mesure de dénicher environ 100 $ d’un fonds ouvert aux BPC du Bénin et les femmes ont amassé environ 20 $. C’était suffisant pour couvrir les éléments de base, mais elles dépendraient des profits pour une certaine période de temps afin d’acheter plus de fournitures. Elles s’étaient mises d’accord pour réinvestir les profits à cette fin.
Nous avons bâti le four d’argile et avons commencé à faire du pain. C’était moi qui gérais l’argent pendant ce temps, à la demande des femmes. Je conservais un relevé strict qui était toujours copié dans un autre carnet conservé par les femmes. Nous avons aussi établi des règles pour nous assurer que l’argent est compté en public et que deux relevés séparés sont conservés. Le pain était un immense succès! Elles ont commencé à faire beaucoup d’argent rapidement (pour un village rural) et tout allait pour le mieux. Petit à petit, j’ai cédé mes responsabilités aux femmes du groupe. Je croyais qu’elles étaient prêtes à prendre en charge la boîte à clé contenant l’argent; je leur ai donc donné. Quelques semaines sont passées. J’aidais à s’assurer que les rapports étaient toujours produits et elles continuaient à se rencontrer chez moi.
Puis, un jour, elles n’ont pas fait de pain selon l’horaire établi. Je me suis renseigné et j’ai découvert que la nuit précédente, les femmes se sont rencontrées et ont liquidé tout l’argent, le séparant également entre elles. Elles n’avaient maintenant plus d’argent pour acheter les fournitures requises. Le projet était terminé; c’était un échec.
Apprentissage
La raison principale de cet échec pourrait surprendre certains d’entre vous : je ne leur avais pas demandé d’amasser assez d’argent par elles-mêmes. Le deuxième problème est que nous n’avions pas assez d’argent au départ.
Plusieurs personnes croient que puisque ces gens sont si pauvres (moins de 2 $ par jour s’ils étaient les plus riches du village), ils ne peuvent pas contribuer, mais il y a une part de vérité dans le vieil adage selon lequel « où il y a une volonté, il y a un moyen. » J’aurais dû être plus patient et demander aux femmes d’amasser jusqu’à 75 % des coûts du projet. Nous aurions aussi dû amasser au moins 300 $ au lieu de 120 $. Avec le temps, elles auraient pu continuer à économiser.
Je n’ai compris ma vraie utilité qu’après-coup. Essentiellement, j’étais leur banque ou leur compte d’épargnes dans une culture où économiser de l’argent n’est pas commun et encore moins une priorité. Oui, je pouvais les aider avec la planification et les idées, mais elles n’avaient nulle part où garder leur argent de façon sécuritaire et où il serait à l’abri de leurs maris et de leurs enfants. Si nous avions économisé assez d’argent au départ et acheté tout ce dont nous avions besoin, la majorité des capitaux de l’entreprise aurait été en actifs non liquides tels que des moules à pain, de la farine, d’autres outils, etc. Cela leur aurait donné une plus grande appropriation et un plus grand sentiment de fierté puisqu’elles auraient amassé la majorité de l’argent qui mène à une plus grande protection. Plus important encore, elles auraient pu acheter toutes les fournitures requises de telle sorte qu’elles auraient pu commencer à se payer immédiatement au lieu de voir l’argent s’accumuler pour acheter des fournitures.
Heureusement, j’ai appris cela au cours de mes six premiers mois de service et j’ai appliqué certaines de ces leçons au reste de mon service.
J’ai un conseil pour les travailleurs humanitaires internationaux : utilisez les bénévoles de Peace Corps si vous le pouvez pour des conseils et pour vos projets. En général, les BPC savent qui sont les meilleures personnes à qui parler ou avec qui travailler, et ils peuvent vous fournir une évaluation claire de la situation sur le terrain. Si vous tentez de déterminer un site de projet, essayez de coordonner cela avec les BPC. Ou soutenez simplement leurs projets sur le site Web de Peace Corps. Nous voyons souvent ce qui se produit avec votre projet après votre départ et aurions pu vous donner de bons conseils dès le départ.